UN CERTAIN NOVEMBRE 2001
Vendredi, 2 novembre 2001 ==>Guatemala
Ciudad
Longue fin de semaine... de congé et cela
dès jeudi!!
1 novembre... día de los muertos.... jour
des morts.... jour de fête!
Donc, c’est parti... après ce front froid
qui m’a fait frissonner pendant 3 jours, le ciel se montre dans sa belle parure
bleutée!! De ce fond bleu, contrastent
les volcans couronnant majestueusement la capitale! C’est la première fois qu’il m’est permis
d’admirer toute la prestance “ fumante ” du volcan Pacaya sans que
les nuages cachent pudiquement cette activité “ magmatique ”.!
Soudain, le chauffeur de l’autobus crie
“ Sumpango ”... et au milieu de la route, au milieu de nul part, il y
a une passerelle et une station d’essence!
Où est cette fête de “ barriletes ” (cerfs-volants)??? En suivant la foule... de plus en plus
dense... nous (mes deux comparses du Québec... le troisième mousquetaire nous a
finalement rejoint) découvrons un cimetière fort animé! Au premier coup d’œil, orange et blanc
dominent l’espace. Entre quelques
mini-cerfs-volants en papier de soie, les mayas honorent leurs défunts!
Rituel de l’eau et rituel du feu.....
Monticules emplâtrés de blanc et monticules
ornés de fleurs principalement et d’aiguilles de pin.....
Les odeurs et les couleurs s’entremêlent
anarchiquement.
Pendant que les mayas
“ chantent ” pour leurs morts, les touristes occidentaux, appareils
photos à la main, se cachent littéralement derrière la clôture... derrière
cette frontière entre le monde des morts (monde bien présent et vivant chez les
mayas mais monde fort froid et oublié chez les occidentaux). Santiago (technicien en audiovisuel), caméra
à la main, voltige comme un bourdon à travers ce cimetière en fête. Naturellement nous trois mousquetaires étions
les seuls touristes à être dedans....!
Mais où sont les fameux barriletes?? Ralentis par la soif avide de la caméra de
Santiago... nous avançons millimètre par millimètre pour finir par sortir du cimetière. Soudain dans le détour d’un champ de maïs (ou
les tiges étaient sans exagération deux fois la grandeur de ceux du Québec) un
monde géant de cerfs-volants éblouit
notre vue!! Les plus grands font
plus de 10-12 mètres de diamètre, les moyens environ 5m et les petits juste
2m! =0) .... et tous en papier de soie!
Waou!!!!! Des tiges de bambou
servent de support à ces toiles de papier de soie... toiles majestueusement illustrées
de la culture maya. La construction d’un
grand barrilete nécessite 40 “ artistes ” pendant 2 mois intensifs et
le tout est renouvelé chaque année spécifiquement pour ce concours de
barriletes du “ día de los muertos ”.
C’est au tour de Martin (anthropologue) de jubiler, d’annoter toutes les
observations et leurs liens avec la culture autochtone du Nord! Et pendant ce temps... le soleil nous torture
malicieusement!
Dimanche 10 novembre ===> Guatemala
Ciudad
Après une semaine, pendant la quelle le
transport en commun a eu la capacité d’avaler mon peu d’énergie
“ non-grincheuse ” qui me restait … et que même les sourires et les
rires n’ont pas réussi à neutraliser l’écharpe léthargique que nous jètent les
autobus urbains!! .. me voilà de nouveaux en vie!!
Samedi, un après-midi, sous un toit d’un
complexe sportif…, j’ai eu droit à un “ very good dancer! ” Seule étrangère, dépassant tous de presque
d’une tête … je tournoyais aux mélodies de la marimba, un instrument bien
indigène et aux rythmes fort européens…. valse, polka, fox, tango… mais avec
des pas bien différents!! Agréable
manière de me “ secouer ” un peu de mon “ j’ai les
blues ”! Je retourne au domicile
légère légère avec un goût de courir … mais je continue tout bonnement ma
“ trottinette ”!
Dimanche,
besoin de bouger… de sortir de la ville… En solitaire, dû l’absence de
mes comparses, je pars à l’aventure comme destination les ruines de
Iximché!! Dans un village poussiéreux
nommé Tecpán où seule l’église témoigne son histoire d’avant le tremblement de
terre de 1773, je m’enlise après un voyage en France grâce à un compagnon de
route. Plafond sculpté en bois rongé par
les années et solides pilons en sont les sournois clins d’œil rustiques de
cette église! Lestement, je me sauve à
la recherche de mon ultime destinée!!
Chemin faisant, voulant me sauver des taxis… on m’interpelle. Jeunes joueurs de soccer m’offrent un
“ lift ”… m’évitant un 4 km de marche =0)!!! Donc à 11heures am… sous les caresses de
soleil… casse-croûte main … grimpée sur un monticule, sur les ruines d’un des
temples Cakchiquel… je savoure le temps et l’espace!!! Je me balade paresseusement de temple en
temple dégustant avec sérénité l’énergie paisible des ruines entre lesquelles
les enfants comme les grands s’amusent gaiement. Pendant 3 petites heures, je me laisse
absorber par le calme – vent chantant entre les feuillus, nuages courrant à la
vitesse étourdissante du vent, oiseaux dansant avec les mains feuillues des
arbres, feuilles valsant au gré des soupirs aériens… où seules les cascades de
rire des visiteurs signalent l’intrus!
Quel délice cette absence de contamination sonore des moyens de
transports!!! Au soleil, caressée par la
chaleur et chatouillée par les soupirs de vent… je me prélasse … mais bien
pudiquement! (Je n’ose découvrir les
jambes bien blanches… surtout en comparaison des bras…Pourquoi? La culture et la pudeur guatémaltèques
commencent à déteindre sur moi, j’imagine =0)!! ) Tristement le temps s’écoule… l’heure a sonné
mon retour! Légèrement, je pars à la
recherche d’un autobus … soudainement un sentiment intense m’envahit, m’enrobe,
m’englobe!! Les chatouilles au cœur,
l’ivresse dans l’âme… l’amour, ce sentiment amoureux m’a piquée!! Amoureuse de la vie, je me laisse ballotter
vers la capitale, vers le quotidien avec le sourire aux lèvres et le cœur
chantant! Partageant la banquette de
l’autobus avec une fille-mère d’environ tout juste 12-14 ans (dans les villages
la majorité se marient dès 14 ans), je souris à ma jeunesse et j’en remercie ma
“ liberté ”!!!
Mardi, 20 novembre 2001 ==> Guatemala
Ciudad
Petite semaine ressourçante remplie de savoir s’est terminée sur une note tourbillonnante
(sem.du 12 nov.).
Après une semaine à nourrir mon savoir,
grâce au IV Congrès de la psychologie sociale de la libération, me voilà en ce
vendredi, au bureau, avec la tâche de “concocter” une recette de “auto-cuidado ”
dans le cadre d’un atelier-réflexion où 4 petites questions naïves bousculent
tous les tiroirs de ma tête et de mon cœur!! La première question se formule comme suit: “comment conterais-tu, à
un ami, ce que tu fais comme travail et pourquoi fais-tu ce travail?” Eh!!!!!!!!!!
Il me semble que je parle très peu de mon travail!! Est-ce le fait que le projet sur lequel je collabore demande discrétion due à son
audace et à ses conséquences? Ou est-ce
l’impression de pelleter des nuages?
Néanmoins, je suis persuadée que mes “aventures de voyages” (les
fins de semaine) agrémentent ma recette “d’auto-cuidado ”, ma recette de
“survie”!!
En soufflant le mot “ aventure ”…
je suis encore bien courbaturée de cette randonnée dans le sentier serpentant le
volcan de Agua (sud de Antigua)! 2 ½ heures de marche vers les nuages qui sont
venus à notre rencontre un peu trop rapidement!
3heures nous rapprochaient du sommet mais les nuages trop
rafraîchissants ainsi que le rendez-vous avec le dernier transport vers la
ville ont eu raison de notre motivation!
Petite déception de n’avoir pu savourer la victoire du sommet néanmoins
éblouie des merveilleuses prises de vue paronamiques … dont sur la Capitale!
CLIN D’ŒIL #1
Vive le secourisme en montagne… guatémaltèque!!
Lors de notre descente du volcan de Agua,
nous avons croisé des secouristes… car deux personnes se sont évanouies au
sommet! Avec eux, petit groupe de 4
personnes, ils avaient une planche-civière sans courroies, un walkie-talkie… et
un matériel de premiers soins fort invisible!!
Et imagine le facteur temps…. si la montée est de 4 à 6 heures et qu’on
stipule qu’ils ont du descendre pour demander de l’aide!!! Vive l’Ambulance Saint-Jean!
CLIN D’ŒIL #2
Fini de lire Cascabel de Arturo Arias, un
livre qui brille par son histoire sur la complexité des relations dans la
société guatémaltèque dans les années 80.
“ Qui croyait prendre est souvent pris dans le tourbillon de la
traîtrise et de l’espionnage … qui se termine par un coup d’état. Parfois, j’avais l’impression de me lire…
lors que l’auteur peignait le portrait de la Capitale ainsi que celui
d’Antigua!!!!!
CLIN D’ŒIL #3
Quel mois sommes-nous? Quelle saison sommes-nous?? Seul le calendrier me donne des
indices!! Noël??? Heureusement que je
voyage dans la zone luxueuse #10…. car si les petits commerçants décorent leur
boutique, les rues demeurent dénudés.
Entre les arbres, dont bananiers et palmiers, qui dansent au vent et
entre l’absence de ce duvet blanc et froid… difficile pour moi de croire à
Noël!! Mais… à la radio… les mélodies de
Noël égayent nos oreilles depuis l’Halloween!
Donc… dans la zone #10… chaque matin et chaque soir, j’ai droit aux guirlandes ornant tout le
boulevard de La Reforma ainsi que qu’au géant sapin de Noël (plus de 20m de
haut sans exagération) bien artificiel –décoré de bonhommes de neige et de
cannes- qui brille au soleil …. et le tout commandité par nul autre que la
Gallo (bière nationale, coq en espagnol) qui en affiche fièrement ses couleurs! Joyeux Noël!!!
CLIN D’ŒIL #4
Nouvelle du Québec, Aïe….. il faut bien
être au Guatemala… pour que la modernité se rende enfin à La Visitation!!
Image, vive les lignes téléphoniques privées!!!
Mais, il va falloir patienter pour en profiter!!
Samedi, 1 décembre 2001 ==> Guatemala
Ciudad
Besoin de nourrir la gamine chahutant en
moi!!! Donc, fin de journée au cinéma
avec le fameux film “ Harry Potter ”… rien de plus et en espagnols
svp!!!
Clin d’œil du dimanche, 2 décembre 2001
Tentative de visiter des ruines (Mixco
Viejo)… mais ce ne sont que des bus fantômes qui en desservent cette
destination!! Donc… finalement, petite
sortie…. pour seulement manger que du dessert (en ce qui concerne mes 2
mousquetaires) et pour se balader en bus!!!
Vive les rébus… manger avec les doigts déjà
noirs pour les enduire de plus belle de graisse de poulet! Un stop brusque.. et ces mêmes doigts
s’agrippent aux bordures des banquettes et des fenêtres! La dégustation continue et se termine en se
“ laichant ” les doigts aux ongles noircis et en faisant voler les os
par la fenêtre….. sans égard pour les voyageurs à pied!
Ainsi, durant le passage d’autobus, attention aux os, aux rébus volants! (Un os a carrément atterri sur les cuisses
d’un monsieur tranquillement assis sur le bord du trottoire!)
Dimanche, 25 novembre 2001 ==> Guatemala
Ciudad
Vive les sorties de la fin de semaine!!
Nous voilà en direction des Ruines
Kaminaljuyú, cachées dans la zone #7!
Aujourd’hui déguisé en vaste parc où pique-niqueurs, joueurs de soccer
et fervents croyants fourmillent entre les monticules tous en fleurs, ce site
était anciennement prisé économiquement pour son trajet intermédiaire entre
Teotihuacan (Mexique) et Pérou!!
Aujourd’hui, Guatemala Ciudad est farouchement assis sur cet immense
empire ayant le serpent comme emblème (ayant fait ramper un serpent
indéterminable à travers son royaume… ayant comme cœur, le site des ruines
Kaminaljuyú (zone #7)… ayant comme partie du corps rampant toujours aux abords
de la Reforma (zone #10) où les Conquistadors espagnols y ont superposé un
aqueduc à leur image!!!
Clin d’œil du dimanche, 25 novembre
Un autobus urbain file ver sa
destination. Un panier d’épicerie sur
roulette est rempli d’incongruités. Des
passagers, propriétaires de ces incongruités, traînent fièrement, comme un
petit chien, ce panier d’épicerie! Quel
spectacle! Quel bruit! Quelle locura!
Todo se puede en Guatemala…
Qui aurait l’audace de freiner cet instinct
débrouillard débordant d’imagination et de créativité?
La police?
Cette police, armée jusqu’aux dents avec leurs armes ultra-puissantes et
illégales au Québec, qui bien souvent n’ont de yeux que pour les jambes au jupe
courte?
Jeudi, 29 novembre ==> Guatemala Ciudad
Journée “ délinquance ”
concernant le bureau =0)!!
Petite gang de 12, purement étranger jasant
en français, anglais, suédois et espagnol, dirige insoucieusement leur pas
empressé vers la Fondation Anthropologique Forensique de Guatemala. Accueillie par l’impressionnante architecture
que constitue cette ancienne Ambassade du Japon, je me laisse surprendre par
cette piscine creusée qui semble voler la vedette au laboratoire
anthropologique…
Graduellement ma perception des lieux se
modifie tout en chatouillant mon émotionnel.
1er arrêt :
Corridor étroit dans lequel longe un mur de
boîtes de carton remplies d’ossements et de vêtements.
En direction du laboratoire
d’identification des ossements.
2e arrêt :
Minutieusement, avec une brosse à dents,
deux mains nettoient des vertèbres souillées de terre.
3e arrêt :
Patiemment, deux grands yeux sont absorbés
par la complexité de la reconstitution “ d’un casse-tête ” : un
fœtus, pas plus grand que ma main.
4e arrêt :
Élaboreusement, dix doigts sont à la
recherche de dents dans les résidus d’un crâne en bouilli, pour pouvoir
élaborer une dentition.
5e arrêt :
Agilement, un esprit analytique scrute
millimètre par millimètre le squelette reconstitué d’une jeune femme entre
18-35 ans pour y trouver un trou et trois coupes de machette au crâne.
6e arrêt :
Savantement, une soif de la vérité renconte
l’histoire des ossements défrichés accidentellement par un campesino. Un tas d’ossements déplacés pêle-mêlement
dormaient sous la terre. Persévéramment,
neuf squelettes prennent forme : 4 hommes et 5 femmes inconnus entre 14 et
70 ans. Leurs ossements parlent de leurs
tortures et souffrances :
1 balle dans le palais;
2 balles dans le bassin et 1 balle dans le
bras en voulant se protéger la tête,
Côtes en cicatrisation fracturées de
nouveau soulignant la persistance des tortures subies;
4 coups de machette à la mâchoire d’un
homme de 60-70 ans dont 1 coup à fractionner les gencives frontales de la
mâchoire inférieure…
Comment est-ce possible de demeurer
insensible et impartial devant ce “ jardin ” parsemé
“ d’ossements ” qui chuchotent si muettement leur injuste vécu que
seul, les yeux peuvent en entendre les cris?
Solennellement, et rempli d’émotions,
petite gang de 12 se faufile entre l’histoire d’un peuple, cette histoire de
souffrance, de violence de 36 ans . . . en direction vers …
7e arrêt :
La salle de conférence nous souffle ses
secrets. Pendant que cette ruche de 50
professionnels bourdonne, la complexité de cette injustice nous est
contée. Le plus pathétique est que les lois
changent continuellement… selon le pouvoir et la volonté des
“ insensibles ” corrompus et que naturellement le financement est de
source purement étrangère!
Pendant que la recherche de la vérité
chemine, le visionnent de 2 vidéos nous amène sur le sentier des exhumations et
de ses douleurs. Le vidéo en espagnol de
FAFG touche la réalité de la population et paradoxalement celui en anglais de
National Geographic se montre fort technique et technologique!! Naturellement le commandant del Ejército a su
suavement dire ces mots :
“ les exhumations ne sont guère pour identifier les coupables de
ces massacres mais ont comme but la réconciliation ”! Ouf!!!!
Oui, les ossements murmurent
silencieusement leur histoire que, seul les yeux peuvent capter leurs secrets…
Mais, le repos des vivants, le deuil des
survivants pourront s’actualiser qu’avec le repos digne et paisible des
victimes décédées durant ce conflit armé.
À la mémoire des victimes, à la vérité des
faits, luttons contre l’impunité et pour les droits humains!
Un avant-midi chargé d’émotions!
Un avant-midi soulignant l’histoire d’un
peuple, l’histoire de la souffrance!
Un avant-midi mettant en relief
l’importance de cette lutte incluant mon grain de sel pour les droits humains…
moi et mon impression de “ pelleter des nuages ”!
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